André GERVAIS D’ALDIN

Bilan général

Evolution des données

André GERVAIS D’ALDIN (1884 - 1941)

Le Comte André Gervais d’Aldin, lépidoptériste né à Senlis

Roger PUFF

L’Agrion de l’Oise - 1 rue d’Halatte - 60550 Pont-Sainte-Maxence - lagriondeloise@orange.fr

Mots clés : insectes, lépidoptères, entomologistes de l’Oise, Gervais d’Aldin, Louis Dufay

C’est Jean-Claude Bocquillon, lépidoptériste, vice-président de l’Association des

Entomologistes de Picardie (ADEP), qui m’a orienté vers le Comte d’Aldin. Les travaux de ce

dernier, datant de 1929, étaient utilisés dans des études comparant la faune actuelle des

papillons de l’Oise avec celle du début du 20e siècle. En 2000, Antoine Lévêque le citait à

propos du Flambé (Iphiclides podalirius) dans son article "Quel avenir pour les Papilionidés

picards ?", paru dans Insectes n°11 (OPIE), traitant du Flambé et du Machaon. Le Comte

d'Aldin donnait l'espèce pour présente dans l'Oise en mai et août, mais assez rare, observée

en forêt de Chantilly, Pont-Sainte-Maxence, Compiègne, Noyon, Gouvieux et Trie. En 2005, il

le citait encore à propos de Scopula umbelaria (Acidalie des ombelles) dans son article "Liste

inventaire des macro-hétérocères de Picardie – partie 2 – Geometrida (Lepidoptera)" paru

dans L’Entomologiste Picard n°19 de décembre 2009.

Le document de référence était l’article de 1929, dans Lepidoptera cité par Antoine Lévêque

et Maurice Duquef. Après y avoir eu accès par fragments, j’en ai eu le texte complet grâce à

Claire Villemant qui m’a ouvert la porte de Jocelyne Guglielmi, la bibliothécaire du

Département Entomologie du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN). Je les remercie.

Mais qui était le Comte d’Aldin, auteur de ce document, aujourd’hui bien utile pour se rendre

compte de la dégradation, près d’un siècle plus tard, de la faune des papillons de notre région?

Enfance et jeunesse d’un lépidoptériste

Il s’agit du Comte Marie André Gervais d’Aldin. Aux Archives de Paris, on trouve l’acte de

mariage de ses parents en 1877 : Marie Félix Gervais d’Aldin, ancien avocat général, et Marie

Louise Rosalie Geneviève Seguin de la Salle. Son grand-père, Antoine Augustin Gervais, né

en 1788 à Saint-Chély-d’Apcher en Lozère, avait obtenu en 1848, par décret présidentiel, de

pouvoir associer les noms de ses parents Jean Gervais, avocat au Parlement, et Marie Anne

d’Aldin.

Marie André nait à Senlis le 16 juillet 1884, trois ans après son frère aîné Marie Roger, au 2

place de la Cathédrale à Senlis, une maison très remarquable, construite au 16ème siècle, de

style Renaissance, ancien Hôtel du Chanoine Pierre Desprez, appelé aussi Maison du

Chevalier.

Son oncle Ferdinand Gervais d’Aldin, juge d’instruction à Péronne, membre depuis 1859 de la

Société Entomologique de France (SEF), amateur de coléoptères et de lépidoptères, vient de

décéder à Péronne fin mars. Il avait publié quelques articles, notamment, en 1862, une

communication à la SEF préconisant de substituer la gomme arabique par du sulfate de

potasse pour fixer les insectes sur carton ou mica.

Avec Roger, son frère aîné, André fait ses études secondaires à l’Institut Saint-Vincent de

Senlis. Très jeune, il s’intéresse aux insectes, tout particulièrement aux papillons. Les

communications qu’il fera plus tard à la SEF nous apprennent qu’il fera souvent des

observations dans divers lieux de la Vienne, où il va certainement en villégiature à Sommièresdu-

Clain, dans la famille de sa mère. Par exemple en septembre 1901, à 17 ans, il observe à

Sommières Rhodocera rhamni (Gonepteryx rhamni, le Citron).

Nous savons par une communication à la SEF en février 1915, qu’il capture fin avril 1903 -

aux lampes électriques de la gare de Chantilly - une aberration de Xylena vetusta (l’Antique).

Il va la dédier à un ami "en témoignage d’affectueuse collaboration" sous Calocampa vetusta

Hb. ab Dufayi ab. Ald. Cet ami est Louis Dufay, qu’il qualifie alors de l’un des plus actifs

collaborateurs du futur catalogue des lépidoptères de l’Oise. Louis Dufay (1874-1936) est

lépidoptériste, peintre et surtout pionnier de la photo et du cinéma en couleurs. Il est à cette

époque chez Guilleminot à Chantilly, où il invente le Dioptichrome, puis le Dufaycolor et enfin

l'Héliophore, procédé qui sera utilisé par Henri-Georges Clouzot pour son film inachevé L’Enfer

avec Romy Schneider et Serge Reggiani, tourné en 1964. Je n’ai pas trouvé de relation

familiale avec le lyonnais Claude Dufay (1926-2001), qui a travaillé sur des thèmes concernant

notamment les réactions à la lumière des lépidoptères nocturnes.

Alors qu’il habite toujours place de la Cathédrale à Senlis, il est admis comme "assistant" à la

SEF, parrainé par Léon Fairmaire et Charles Alluaud. Dans le même temps, il est déclaré apte

au service militaire, mais étant étudiant en sciences, il est ajourné. Il est incorporé en octobre

1905, mais réformé en décembre pour myopie supérieure à 6 dioptries. En 1906, il est admis

à la SEF sur sa demande comme membre définitif (Coléoptères et Lépidoptères).

En 1907 et 1908, licencié ès-sciences naturelles, il participe à la vie senlisienne où il donne

trois conférences que Le Courrier de l’Oise annonce : Les Animaux des grands fonds de la

mer (avec projection de clichés du Prince de Monaco), Les Déguisements et les travestis chez

les animaux et Les volcans et les tremblements de terre.

Il fait part de captures début août 1907 aux marais de Saint-Martin-Longueau (marais de Sacy)

de deux espèces : Arsilonche albovenosa Goëze (Noctuelle veineuse), qui n’était connue

qu’en Belgique, et l’aberration Sohesti Capronnier 1878 de Stilpnotia salicis L. (Liparis ou

Bombyx du saule). Il ne parle pas du Miroir (Heteropterus morpheus), qui aujourd’hui est un

des remarquables papillons des marais de Sacy. Son ouvrage de 1929 mentionnera ce

papillon, mais sans remarque particulière. Dans la Vienne il capture en septembre Episema

scoricea (une noctuelle) et Tephronia separia (Gymnospile commune).

En 1908, il publie son étude "Le dessin des ailes de lépidoptères" dans les Annales de

l’Association des Naturalistes de Levallois-Perret (ANLP). Il est admis à la Société Géologique

de France, présenté par Gustave Emile Haug et Joseph Blayac. Il intègre également la Société

de Géographie en 1909, parrainé par le Baron Etienne Hulot et Guillaume Grandidier.

En 1910, dans la Vienne, Gervais d’Aldin capture en août Agrotis rubi View. et, en septembre,

une aberration ab. Cinnus Hübner de Lycaena Corydon (signalés à la SEF en 1919). Le 28

avril il prend part au banquet annuel de la SEF. Le compte rendu nous dit qu’il a conté l’histoire

du Polyphilla de Guy de Maupassant en Sicile. L’annuaire de la SEF le donne alors pour élève

attaché au Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN). Il fait paraitre une publication sur les

Diptères pupipares dans les Annales de la SEF, ainsi qu’en 1912 dans celles de l’ANLP.

En octobre 1911, il capture dans la Vienne trois spécimens de Trigonophora jodea Guen., une

noctuelle rare qui, "chassée à la miellée, cherche à fuir en remontant très rapidement le long

de l’arbre appâté."

En janvier 1912, il fait une communication "A propos de quelques Lépidoptères d’Andalousie".

C’est semble-t-il une étude bibliographique ; apparemment il n’y est pas allé. Il fait état de

captures dans l’Oise aux carrières de Montlévêque : Augiades comma (Hesperia comma, la

Virgule), Erebia medusa (Moiré franconien), qu’il propose de rechercher en terrain humide du

côté de la Nonette, ainsi que Lycaena Bellargus (Azuré bleu céleste), un spécimen de ce

dernier est aussi capturé dans un fond marécageux de la forêt d’Ermenonville.

Pendant la Guerre 14-18

La guerre éclate le 2 août 1914. N’étant pas mobilisé immédiatement, il séjourne à Jaillac en

Gironde où il capture Apopestes spectrum, le Spectre, et à Lizant dans la Vienne où il capture

une aberration tota caeca – aveugle - de Lycaena bellargus ab. Cinnides Hübn. (Azuré bleu

céleste). Reconnu apte au service auxiliaire en décembre 1914, il est appelé fin avril 1915 à

la 6ème section d’Infirmiers militaires, probablement à Compiègne. On le retrouve malade début

octobre 1916 et convalescent pour deux mois à Senlis, puis soigné pour pleurésie à l’Hôpital

mixte de Cholet fin décembre.

Il est à la 22ème Section d’Infirmiers fin mai 1917 (au 54e RI à Compiègne). A nouveau malade

aux armées en février 1918, il est en convalescence à l’Hôpital à Toulouse en avril - mai. Fin

octobre, il entre au Val de Grâce à Paris pour ictère catarrhal (hépatite A). Le 13 mars 1919 il

sera mis en congé illimité. Il signale à la SEF son changement d’adresse à Quinéville

(Manche).

Actes du 2ème Séminaire Entomologique des Hauts-de-France 2018

CPIE des Pays de l’Oise 51

Après-guerre

En 1920 le lépidoptériste Daniel Lucas lui dédie un papillon : Zygena hippocrepidis centralis

(Obthr) ab. Aldini n. ab. Alis salmoneis nec rubris, qu’il a capturé le 15 juillet 1915 au Plateau

Saint-Claude près de Mareuil (Oise). Daniel Lucas est un ancien élève de Polytechnique,

ancien officier d’artillerie, avocat à la Cour d’appel de Poitiers. En avril, sa mère décède à

Quineville à 68 ans, Le service religieux et l’inhumation auront lieu à Senlis, mais Gervais

d’Aldin n’y habite plus. Lorsqu’il est affecté en juin 1921 dans les réserves à la 2ème Section

d’infirmiers, il réside à Quinéville.

Dans une communication à la SEF en janvier 1921, Gervais d’Aldin contredit le Dr Roger Verity

qui considère Melitea aurelia Nick. comme une espèce nouvelle en France dans une

communication de 1920, à propos de spécimens de Melitaea non identifiés récoltés en juin

1915 à Moreuil (Oise) par le Commandant Daniel Lucas. Gervais d’Aldin fait état de ses

propres trouvailles en 1900 près de Senlis et fin juin 1913, au bois de la Vidamée près de

Senlis, début juin 1914 et mi-juin 1919. Il indique également que cette espèce se trouve

également en forêt de Chantilly (route du Connétable, près le Clos de la Table) et sur le Mont

de Pô à Lamorlaye, ajoutant que la collection du Muséum comprend également des spécimens

pris à Pierrefonds. Il s’agit donc bien d’une vieille espèce française.

Il épouse le 22 décembre 1923 à Bordeaux, Marie Raymonde Henriette Edwidge de Beaupoil

de Saint-Aulaire, d’une vieille famille de Dordogne ayant donné à la France quatre

ambassadeurs, un lieutenant-général des armées du roi, deux membres de l’Académie

française, trois évêques et un député. En 1923 le couple habite Bordeaux. On ne lui connait

pas de descendance.

A la session de la SEF de décembre 1926, Gervais d’Aldin présente "Deux intéressantes

captures de papillons à Capbreton : Alpium et Nymphæ". En novembre 1928 il est admis à la

Société linnéenne de Bordeaux, où il présente "Une géomètre nouvelle pour la Gironde",

publication dans laquelle on y apprend qu’il a acquis la collection Delavoie, conducteur des

ponts et chaussées de Rochefort, lépidoptériste réputé. On ne sait pas ce qu’il est advenu de

cette collection.

Matériaux pour servir à un catalogue…

C’est en 1929 qu’il publie l’ouvrage qui nous a motivé, "Matériaux pour servir à un catalogue

des macrolépidoptères du département de l'Oise" (Figure 1). Dans cet ouvrage, il fait en

introduction référence au catalogue "Les Papillons de l’Oise" de l’Abbé Pinart, lithographié en

1847, "dit méthodique", seul ouvrage - déjà introuvable à l’époque - sur les lépidoptères de

l’Oise. Ce travail renfermait 526 espèces, en fait d’après Gervais d’Aldin seulement 514 du fait

de doublons.

Quelques mots sur Désiré Hippolyte Pinart, né en 1806 dans la Somme. Ordonné prêtre en

1831, il sera professeur d’histoire naturelle au petit séminaire de Saint-Germer. Il aurait

possédé une collection d’insectes indigènes de tous les ordres. Membre de la SEF depuis

1834, il est co-fondateur en 1847 de la Société Académique de l’Oise, vice-président de la

section sciences naturelles. Il sera directeur "des bons livres" en 1852, vicaire de l’église Saint-

Etienne de Beauvais en 1869. Il est connu pour être l’auteur de nombreux ouvrages

théologiques et de prière, d’ouvrages classiques ou d’ouvrages traduits ou adaptés pour la

jeunesse : dans un but religieux et moral comme par exemple "Les Mille et une nuits (annoté

et soigneusement expurgé)". En revanche sa production entomologique est modeste. Il

décède en 1854 à Beauvais.

L’ouvrage décrit sur deux pages les principaux sites de collecte de l’Oise, puis compile en

trente pages les observations de Gervais d’Aldin et celles d’autres entomologiques : Alfred

Brugnon (Pont-Sainte-Maxence), Georges Catherine (Compiègne, Ermenonville), Louis Dufay

(Chantilly), déjà cité, de Labarrière (Trie-le-Ville), Gustave Poujade (Chantilly, Vaumoise),

Daniel Lucas (Crépy, Mareuil, Berneuil-sur-Aisne, etc.). Il est complété par une planche en

couleurs.

L’ouvrage dénombre 665 espèces, plus 43 variantes et 36 aberrations, appartenant à 8

familles de Rhopalocères (37 genres) et 24 familles d’Hétérocères (233 genres). Il mentionne

le nom de l’entomologiste, le lieu (localité mais aussi jardin, allée, marais, carrière, forêt,…),

Actes du 2ème Séminaire Entomologique des Hauts-de-France 2018

CPIE des Pays de l’Oise 52

et le mois d’observation (pas l’année), quelquefois une ou plusieurs plantes hôtes, et par des

abréviations s’il s’agit de larves, de chenilles ou de chrysalides. Il précise le mode de capture

au filet, à la lumière, à la miellée, la génération (1ère ou 2ème), la rareté de Cc "très commun"

à RR "très rare". On ne s’étonnera pas que Pieris brassicaea (Piéride du chou) soit classée

Cc. Le nom de certains papillons a changé depuis cette époque, par ex. Argynnis lathonia,

classé RR par Gervais d’Aldin, est aujourd’hui appelé Issonia lathonia (Petit nacré).

Il précise que quand il mentionne L. Chantilly, il s’agit des lampes à arc de la gare qui, avant

la guerre, brûlaient toute la nuit. Depuis elles ne sont plus allumées qu’au passage des trains.

C’est surtout son ami Dufay qui y chassait. Une anecdote : il rapporte une "pluie de sang" à

Senlis au Moyen-âge due à l’éclosion en grand nombre de Vanessa urticae (Petite tortue ou

Vanesse de l’ortie).

En 1931, Gervais d’Aldin quitte Bordeaux pour s’installer non loin, à Caudéran. En 1933, il

publie à la SLB ses trouvailles en Dordogne. Il figure encore parmi les membres de la SEF en

1934, mais n’y sera plus ensuite. En 1940, la SLB nous le donne demeurant au château

Canteloup, un domaine viticole à Yvrac (Gironde).

Il s’éteint le 7 juin 1941 à Bordeaux à l’âge de 56 ans.


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Evolution du nombre d'observations (de 1899 à 1940)

Evolution du nombre d'espèces (de 1899 à 1940)