Publié le 15/04/2019 Vu 2673 fois
En 2016, des analyses génétiques et morphologiques ont permis de détecter 2 espèces cryptiques dans ce que l’on appelait jusqu’à maintenant Nemophora degeerella (Lepidoptera: Adelidae). Une de ces 2 espèces vient d’être découverte en France.
L'utilisation généralisée du barcoding ADN en taxonomie et en systématique ont permis de déceler de nombreuses espèces cryptiques chez les Lépidoptères. En 2016, Kozlov, Mutanen, Lee & Huemer ont publié une révision d'un complexe d'espèces cryptiques autrefois confondues avec Nemophora degeerella (Linnaeus, 1758). Cette étude se base à la fois sur des caractères morphologiques, le séquençage du COI (barcoding ADN) et une analyse de l'ADN nucléaire. Ils ont ainsi constaté que ce complexe se compose finalement de 3 espèces :
- N. degeerella, largement répartie dans l’Europe tempérée située au nord des Alpes, du Portugal à la Finlande, en passant par la Russie centrale et l’Ukraine ;
- N. scopolii Kozlov, Mutanen, Lee & Huemer, 2016, qui habite l'Europe centrale et méridionale (Slovaquie, Allemagne méridionale, Autriche, Slovénie et Italie) ;
- N. deceptoriella Kozlov, Mutanen, Lee & Huemer, 2016, présente dans le Caucase (Russie et Géorgie).
Les caractères morphologiques permettant de les séparer sont très "subtils mais stables" : taille des ailes antérieures, motifs dans les parties médianes et post-médianes, taille relative du palpe labial, du scapus et des yeux composés. Les pièces génitales ne semblent pas être discriminantes, du moins chez les mâles. On peut cependant observer des différences sur les ailes antérieures :
- N. scopolii (à gauche sur photo ci-dessous) : l'aile antérieure parait large. La bande claire médiane est également large et les sagitations (ou rayons) de l'espace post-médian occupent une grande partie de cette espace. Ils sont bien visibles et clairs ;
- N. degeerella : l'aile antérieure parait plus élancée, moins large. La bande claire médiane est fine et les sagitations (ou rayons) de l'espace post-médian sont plus fines, plus sombres et noyées dans une matrice sombre ;
(à gauche, N. scopolii et à droite, N. degeerella (source http://v3.boldsystems.org/)
Si l'on suit la répartition de ces 3 taxons proposée par Kozlov & al., N. degeerella est l'espèce majoritairement distribuée en France, avec une forte probabilité que N. scopolii soit également présente dans la partie est/sud-est du pays.
En 2019, Nel & Varenne publie un article citant et illustrant effectivement N. scopolii dans le Parc National des Écrins (sans date ni localisation précise).
Soyez donc vigilants : vérifiez vos collections et vos clichés, particulièrement si vos observations proviennent de la partie orientale du pays. Une révision des collections anciennes et des données historiques ou récentes doit également être menée. Et pensez que les premières observations de cette "espèce" vernale et diurne vont bientôt arriver !
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A consulter :
- l'article de Kozlov & al. (2016) : https://oreina.org/artemisiae/biblio/index.php?module=biblio&action=biblio&id=887
- la citation de N. scopolii en France : https://oreina.org/artemisiae/biblio/index.php?module=biblio&action=biblio&id=890
- la fiche de N. degeerella : https://oreina.org/artemisiae/observatoire/index.php?module=fiche&action=fiche&d=micro&id=245339
Auteur : David DEMERGÈS